Les puristes du mime en force au festival de Pologne

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Les puristes du mime en force au festival de Pologne
Parler ou ne pas parler, là n'est pas la question au festival annuel de mime de Pologne, résolument puriste sur cette forme d'art en constante évolution depuis Marcel Marceau qui lui a donné ses lettres de noblesse.
Ce festival international dont la 13e édition prend fin samedi à Varsovie après une semaine de spectacles "est le seul à faire vraiment du mime", dit à l'AFP le mime allemand Alexander Neander.

En Europe, deux autres festivals de mime, ceux de Londres et de Périgueux dans le sud-ouest de la France, y incorporent des éléments d'autres disciplines artistiques - cirque, acrobaties, marionnettes, et même un peu d'expression orale.
"Au théâtre, on s'éloigne de plus en plus de la 'pure pantomime' pour l'enrichir par la danse et parfois par des paroles", explique la sociologue polonaise Emilia Zimnica-Kuziola, spécialiste du théâtre.
Neander, 43 ans, s'inscrit dans la tradition du mime Marceau, le légendaire maître français de "l'art du silence", devenu une célébrité mondiale dans les années soixante avec son drôle de personnage - "Bip" - sorte de Pierrot lunaire blafard, à l'oeil charbonneux et la bouche rouge vif, revêtu d'une marinière.
Le directeur du festival de Varsovie, Bartlomiej Ostapczuk, 36 ans, est un autre adepte de Marcel Marceau. Il a insisté pour que l'entretien avec l'AFP ait lieu face à face et non par téléphone, "ou à la rigueur sur Skype".
Devant la journaliste de l'AFP, il s'amuse à caricaturer un mime au téléphone, en gesticulant frénétiquement: "vous n'auriez pas pu voir tout cela" au téléphone, dit-il en souriant.
En Pologne, la pantomime a été relancée par Henryk Tomaszewski, un contemporain de Marcel Marceau qui a fondé l'école polonaise du mime.
Cette année, le festival lui a rendu hommage avec une rétrospective de ses créations lors de la soirée d'inauguration.
D'autres spectacles ont suivi, avec des troupes de République tchèque, de France, d'Allemagne ou d'Ukraine.
Mime veut dire imitateur
Mimer consiste "à se jeter dans une situation et à improviser, à affiner petit à petit", en recherchant ce qui est "vraiment important, ce qui traduit vraiment les émotions", explique l'artiste allemand Wolfram von Bodecker, 44 ans.
Le mouvement du mime est très pur, même dans la vie quotidienne, à tel point que regarder Ostapczuk sucrer son café est un spectacle en soi, selon ses amis et sa famille.
"Ils me disent que quand je me verse une cuiller de sucre, je ne fais rien d'autre en même temps, je ne regarde pas ailleurs, je ne me gratte pas la tête, je me verse juste une cuiller de sucre et le mouvement est tellement sobre que c'est comme si j'étais sur scène", dit-il en imitant le mouvement.
Ce que Ewa Tromszczynska, 57 ans, une journaliste polonaise qui assiste depuis des années à ce festival, apprécie le plus, c'est que la parole n'y a pas sa place. Pour Ostapczuk, le silence est d'or.
"Quand je vais à une émission de radio ou de télévision, on me demande toujours 'mais comment va-t-on faire pour parler'? Et je réponds 'si nous nous trouvons sur scène, ce n'est pas possible - on ne peut s'exprimer qu'avec son corps. Mais sinon, je peux parler", dit-il. Le metteur en scène français Lionel Menard, 45 ans, souligne que le fait d'avoir travaillé avec Marceau "qui s'est battu pour que le mime ne parle pas, pour que son travail soit construit autour du silence", implique de préserver la tradition.
"Même moi qui suis un ancien élève de Marceau, je leur dis parfois dans mes productions 'allez-y! parlez! ça va évoquer quelque chose, ça peut être intéressant, mais ils ne veulent pas. Voilà!", dit-il.
Le mime Marceau a fait revivre cet art qui remonte à l'antiquité grecque. Mais "il a développé un style particulier qui s'est imposé comme la définition du mime", effaçant les autres interprétations aux yeux du public, explique Joseph Seelig, co-directeur du festival international de mime de Londres depuis 1977.
Après tout, "mime, ça veut juste dire imitateur", rappelle-t-il, se référant à l'origine grecque du mot "mimos" et à la longue histoire de cet art avant Marceau.

AFP via leparisien.fr, publié le 30.08.2013, 10h30.